“La Légende des Soleils”, traduit du Nahuatl par Jean Rose, suivi de « L’Histoire du Mexique » d’André Thevet.

Anacharsis | 2018 | 9 €

Des Aztèques, de leur culture, de leur empire, de leur importance en tant que civilisation pré-colombienne, on ne sait généralement que peu de choses. Le soleil, pour le meilleur et pour le pire, revient comme une sorte de divinité un peu floue autour de laquelle le peuple Aztèque semblait apprécier griller ses ennemis pour mieux les savourer. Bon, c’est évidemment souvent un peu court.
Et pourtant, la méconnaissance de cette mythologie (comme de toutes les mythologies, par ailleurs) nous prive de bribes d’historiettes inspirées et absolument magnifiques. L’histoire se répète à chaque fois : ici, la conquête espagnole, comme tant d’autres, aura absorbé, écrasé, infusé une civilisation qui portait en son sein quelques fulgurances qu’il est difficile de découvrir pour un plus large public que le cercle restreint des passionnés du sujet.

« La Légende des soleils » est un récit cosmogonique qui a ceci de particulier qu’elle ne se contente pas de créer un monde dans lequel elle va bazarder quelques sujets qui enfanteront notre délicate et si mignonne espèce humaine. Point de départ de la grande histoire aztèque, elle raconte comment la création d’un monde engendre la destruction d’un monde, à moins que cela ne soit le contraire, et ainsi de suite : ici, les soleils se succèdent, et avec eux autant de promesses d’autres mondes, d’autres histoires, d’autres destinées, jusqu’au cinquième d’entre eux, qui marque l’âge des Aztèques. Les dieux ordonnent un univers où une poésie colorée et parfois jubilatoire surgit entre deux épiques rebondissements. Tout ça est plus romanesque qu’il n’y paraît au premier regard, souvent interloqué devant l’emploi d’unités et de valeurs fort singulières sur le plan lexical.

Traduit du Nahuatl (la langue aztèque) par un spécialiste du genre, ce texte est accompagné d’un autre, « L’histoire du Mexique », qui fût quant à lui initialement volé et échangé par des corsaires (quelle histoire !) pour atterrir on ne sait pas trop comment chez Henri III, dont le cosmographe André Thevet, par ailleurs géographe et explorateur, avait l’air d’avoir de bien précieuses sources.

On tient ici deux courts textes fondateurs qui donnent une amplitude bienvenue dans ce que l’on croit connaître des anciens mexicains et de leur histoire. En filigrane, ils donnent également à comprendre comment et pourquoi le sentiment de la fragilité de l’existence et l’importance du caractère éphémère de la vie peuvent être décelables au cœur de la pensée sud-américaine.