Rougeville

« Rougeville, promenade élégiaque » de Patrick Varetz

Patrick Varetz
La Contre Allée | 2018 | 8,50 €

Ne pas avoir choisi d’où l’on vient ne signifie pas que l’on doit pour autant se satisfaire de ce que l’on est, de ce que l’on en fait.
Patrick Varetz est né en 1958 dans un bled du Pas-de-Calais, et l’essentiel de sa vie semble consister à fuir, ou déconstruire, ou transcender ses jeunes années, mélange amer de malchance, de dégueulasserie filiale, et de petits drames de l’existence. De cela, il tire une sombre moelle qu’il remodèle avec minutie livre après livre, comme pour réinventer sa vie, sans jamais s’éloigner de l’originale ni jamais tirer un trait sur ce qui l’a fait. Et à quel prix : à réinventer sa vie pour mieux la fuir, qu’éprouver d’autre qu’un vaste sentiment de perpétuelle imposture ?
Avec Rougeville, c’est une déambulation particulière dans ses souvenirs d’enfance et d’adolescence à laquelle il nous entraîne. Plutôt que d’aller arpenter les mornes quartiers et les tristes rues d’une ancienne cité minière mortifère, il choisit d’observer une double distance : d’abord, il explore la ville via Google Street View. Le procédé est bien connu, le traitement numérique et sa froideur tout autant. A ce jeu, difficile de trouver meilleur écho à la critique sociale qui s’écrit en pointillé dans cette promenade autobiographique.
Et puis il y a le jeu d’identités, le flou construit autour du narrateur, multiple s’il en est : les rues aux briques rouges de la ville semblent s’exprimer tout autant qu’Alexandre Dominique Gonsse de Rougeville, célèbre contre-révolutionnaire rendu célèbre par Alexandre Dumas (sous le nom de Chevalier de Maison Rouge), qui viennent se superposer à l’auteur. Le jeu de pistes est conjugué au pluriel, et le résultat est un récit qui fiche un peu le tournis, un peu comme un zoom trop rapide sur Google Street View.